Le PASTEF Face au Défi de l’Acceptation de la Critique : Vers une Évolution du Débat Public au Sénégal
Le nouveau pouvoir incarné par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko fait face à un défi majeur et inattendu : celui de la tolérance à la critique, une valeur qu’ils avaient pourtant défendue lorsqu’ils étaient dans l’opposition. Les récentes réactions virulentes suite aux propos d’Alioune Tine, président du centre AfrikaJom, suscitent des inquiétudes quant à l’avenir du débat public au Sénégal.
Depuis l’arrivée au pouvoir de cette nouvelle équipe, chaque critique semble déclencher des réactions disproportionnées de la part des partisans du « Projet ». Pour un mouvement qui s’est construit en dénonçant les failles de l’ancien régime, le tandem Diomaye-Sonko et leurs soutiens doivent aujourd’hui faire preuve d’ouverture pour favoriser un espace public sain et inclusif.
Le climat tendu entre le PASTEF et le président du Rewmi, Idrissa Seck, n’est plus un secret. Pourtant, les militants du PASTEF devraient prendre à cœur le conseil que ce dernier avait donné à l’ex-président de la République : « Il faut dilater ta poitrine ». Ce conseil, qui préconise d’accepter les critiques avec plus de calme et de sagesse, semble plus pertinent que jamais face aux vives réactions qui ont suivi les déclarations d’Alioune Tine sur RFM.
Lors de son passage à l’émission Grand Jury, Alioune Tine n’a pas mâché ses mots. Il a affirmé que c’est le Premier ministre Ousmane Sonko qui détient réellement les rênes du pays, tout en soulignant l’émergence d’un « État du PASTEF ». Des propos qui ont provoqué une vague d’indignation parmi les militants du parti au pouvoir, ces derniers n’acceptant pas les critiques adressées au nouveau régime.
Cette tendance à l’intolérance envers la critique est d’autant plus surprenante que le PASTEF a largement bénéficié d’une liberté d’expression inégalée dans l’histoire politique du Sénégal. Même après leur accession au pouvoir, certains membres du gouvernement, à l’instar de Sonko, continuent de faire preuve d’une grande liberté de ton. Cependant, comme l’a récemment souligné Alioune Tine, le régime gagnerait à être moins autoritaire et à encourager un espace médiatique plus transparent et respectueux des affaires publiques.
En observant les premiers pas du régime Diomaye-Sonko, la société civile et l’opposition ne font que rappeler les engagements du PASTEF lorsqu’il était dans l’opposition : ne pas profiter d’un délai de grâce et rester fidèle aux promesses de rupture.
Cette vigilance est une bonne nouvelle pour la transparence. Comme l’a récemment déclaré Fadel Barro, ancien coordinateur du mouvement Y en a marre, lors d’une interview sur TV5, les citoyens doivent adopter une posture critique pour que cette alternance devienne véritablement une alternative. Le Sénégal sort d’une crise politique sans précédent, marquée par des pertes humaines et des souffrances. Alerter dès maintenant le régime sur d’éventuelles dérives, telles que le népotisme ou la gabegie, contribuera à recentrer le tandem Diomaye-Sonko sur les promesses de changement qui ont assuré leur victoire avec 54 % des voix dès le premier tour.
Le président Bassirou Diomaye Faye a d’ailleurs invité la presse à jouer pleinement son rôle en révélant les abus, si ceux-ci existent, lors de sa rencontre avec la Convention des Jeunes Reporters au Palais. Il a assuré qu’il en tirerait toutes les conséquences nécessaires. Mais pour que cela soit possible, le gouvernement et les militants de la coalition doivent accepter les critiques et y répondre avec des arguments solides, en ligne avec les principes démocratiques prônés par le « Projet ».
Le précédent régime de Macky Sall a été sanctionné pour ses dérives autoritaires et l’arrogance de certains de ses cadres. Ce nouveau pouvoir se doit d’éviter de reproduire ces erreurs. Néanmoins, il est essentiel que le débat public évolue et se débarrasse des insultes et des discussions stériles. Le sarcasme et l’autodérision, lorsqu’ils sont bien utilisés, peuvent enrichir l’espace démocratique. Ousmane Sonko, en tant que fin observateur de la scène politique, ne dira sûrement pas le contraire