Les Motions de Censure au Sénégal : De 1962 à Aujourd’hui, une Arme Politique en Mutation

Les Motions de Censure au Sénégal : De 1962 à Aujourd’hui, une Arme Politique en Mutation

Depuis 1962, les motions de censure au Sénégal ont façonné le paysage politique du pays, oscillant entre instrument de contrôle démocratique et arme de déstabilisation. Le dernier épisode en date voit le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (Bby), Abdou Mbow, mener une offensive pour obtenir la démission du Premier ministre Ousmane Sonko. La motion de censure, déposée récemment, pourrait marquer un tournant historique.

Hier, Abdou Mbow et ses collègues ont officiellement déposé une motion de censure auprès du président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop. Ce geste intervient après le rejet, lundi dernier, du projet de loi visant à supprimer le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) et le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE). À l’approche de cette nouvelle session parlementaire, l’histoire des motions de censure au Sénégal est de nouveau au cœur du débat.

Historique des Motions de Censure au Sénégal

Depuis l’indépendance, seules cinq motions de censure ont été soumises au vote de l’Assemblée nationale, et une seule a abouti : celle de 1962, qui provoqua une crise politique majeure. Le Président Macky Sall est le seul à avoir affronté deux motions sans que son gouvernement ne soit renversé. Aujourd’hui, alors que le Président Bassirou Diomaye Faye ne détient pas la majorité au sein de l’Hémicycle, la nouvelle initiative de Bby a de fortes chances d’aboutir, à condition que la dynamique actuelle, marquée par le rejet du projet de loi sur le HCCT et le CESE, se maintienne.

Un Instrument Politique Ambigu

La motion de censure, perçue tantôt comme un instrument de vertu politique, tantôt comme une arme vicieuse, est aujourd’hui au centre de la stratégie de Bby pour renverser le gouvernement dirigé par Ousmane Sonko. Cette tentative s’inscrit dans une série d’affrontements politiques, rappelant les nombreuses batailles législatives du passé, de Léopold Sédar Senghor à Macky Sall.

Le Cas de 1962

La seule motion de censure réussie au Sénégal remonte au 17 décembre 1962, sous le règne de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS). Ce fut un coup de théâtre, orchestré par des députés du même parti, contre le gouvernement du président du Conseil de l’époque, Mamadou Dia. Depuis, le Sénégal a connu plusieurs tentatives de motions, notamment sous Abdou Diouf en 1998, où l’opposition, menée par Djibo Leyti Ka, tenta de renverser le Premier ministre Mamadou Lamine Loum sans succès.

Macky Sall Face à Deux Tentatives

Le Président Macky Sall, quatrième chef d’État sénégalais, a lui aussi été confronté à deux motions de censure. La première, en 2012, visait le Premier ministre Abdoul Mbaye, mais échoua devant la majorité parlementaire Bby. Une deuxième tentative en 2022, contre le Premier ministre Amadou Ba, orchestrée par le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, n’eut pas plus de succès.

Une Sixième Motion en 2024 : Vers un Tournant Historique ?

Aujourd’hui, cinq mois après la troisième alternance du 24 mars 2024, une nouvelle motion de censure émerge, portée par la détermination de Bby. Alors que le projet de loi sur la dissolution du HCCT et du CESE a été rejeté, Bby attend de pied ferme le Premier ministre Ousmane Sonko. La déclaration de politique générale de ce dernier pourrait bien être l’occasion pour l’opposition de frapper fort, surtout si le président Bassirou Diomaye Faye décide de le faire comparaître devant les parlementaires.

Les semaines à venir seront décisives pour l’avenir politique du Sénégal, alors que la majorité parlementaire de Bby semble prête à entrer dans l’histoire en faisant tomber, pour la première fois sous l’ère Diomaye, un gouvernement par le biais d’une motion de censure.

Le quotidien

haran

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